Introduction
Entre 1979 et 1989, environ 21 000 Mozambicains furent envoyés chaque année en Allemagne de l’Est (RDA) dans le cadre d’un accord de migration temporaire de main-d’œuvre. Ce programme, signé par les gouvernements socialistes du Mozambique et de la RDA, visait à former des ouvriers qualifiés capables de contribuer au développement industriel du pays. Mais lorsque le programme prit fin brutalement en 1990, après la réunification allemande, ces travailleurs furent progressivement désignés sous le nom de « madgermanes » (contraction de « Mozambicain » et « allemand »).
La vie en Allemagne de l’Est
Bien que les madgermanes aient été répartis dans différentes usines à travers la RDA, la majorité travaillait dans des industries de machines et de textile. Au départ, ils recevaient une formation professionnelle, mais avec la crise économique qui frappa la RDA dans les années 1980, beaucoup furent réaffectés à des postes non qualifiés pour répondre aux besoins urgents de production. La promesse initiale de formation s’est ainsi transformée en exploitation dans des conditions de travail difficiles.
Retour et conséquences
Avec la réunification allemande en 1990, les accords de coopération furent annulés, et les madgermanes durent retourner au Mozambique. Ils retrouvèrent un pays ravagé par la guerre civile et en pleine crise économique. Le retour fut une immense désillusion. Selon les rapports, le gouvernement allemand aurait transféré environ 93 millions de dollars US au Mozambique pour payer les salaires dus aux travailleurs (soit environ 4 500 USD par personne). Pourtant, cet argent ne leur est jamais parvenu, et beaucoup n’ont jamais été indemnisés.
Héritage et combat pour une compensation
Aujourd’hui, les madgermanes constituent un groupe social spécifique au Mozambique. Leur mémoire collective de la vie en RDA marquée par la stabilité, l’ordre et des opportunités contraste fortement avec la corruption et les difficultés rencontrées à leur retour. Ce contraste alimente une lutte continue pour la reconnaissance et la justice. En 2023, Evelyn Zupke, représentante parlementaire pour les victimes du régime est-allemand (SED), a lancé une campagne au Comité des droits humains du Bundestag allemand. Tous les députés impliqués ont reconnu que les madgermanes méritaient une indemnisation. La balle est désormais dans le camp du ministère allemand des Affaires étrangères et des parlementaires pour accélérer ce processus, trop longtemps retardé.
Conclusion
L’histoire des madgermanes ne se résume pas à un contrat rompu. Elle illustre comment les projets politiques d’État peuvent provoquer des traumatismes durables et une exclusion sociale profonde. Si ces travailleurs ont acquis des compétences à l’étranger, leur retour au pays a marqué le début d’un combat incessant pour la reconnaissance et la réparation. Plus de 25 ans plus tard, les madgermanes se réunissent chaque mercredi dans ce qu’ils appellent le Jardin des Madgermanes pour protester et rappeler qu’une dette reste encore impayée. Leur combat montre que les effets de la migration de travail vont bien au-delà de la fin des contrats ils traversent les générations.
