A 'Off-Limits' sign on preserved land. Photo credit - cfuzim.org

La conservation de la forteresse et la perpétuation de l’épistémicide en Afrique

Introduction

La conservation en forteresse est une approche de la préservation de l’environnement qui prône une séparation stricte entre les espaces naturels et les êtres humains. Cette approche repose sur le principe que la protection de la nature n’est efficace que lorsque les espaces de biodiversité sont isolés et surveillés, souvent par la création de parcs nationaux ou de réserves protégées dont les communautés locales sont exclues. Ce modèle a été largement promu par les organisations internationales et les gouvernements dans le but de conserver la biodiversité. Cet article vise à analyser comment ce modèle de conservation perpétue l’épistémicide en Afrique, un phénomène qui se manifeste par la destruction ou la marginalisation des systèmes de connaissance locaux.

 

Impacts de la conservation forteresse en Afrique

Il existe actuellement plus de 160 000 zones protégées dans le monde, couvrant 10 à 15 % de la surface de la planète (terre et mer). La base de données mondiale des zones protégées (WDPA) recense plus de 8 000 zones protégées officiellement enregistrées en Afrique, et le continent est reconnu pour abriter le plus grand nombre de pays dont plus de 30 % du territoire est réservé à la conservation de l’environnement. Comme l’explique l’anthropologue brésilien António Carlos Diegues, la plupart des pays africains utilisent le modèle de conservation des forteresses. Cette approche limite souvent l’accès des communautés locales à ces zones, obligeant les gens à quitter leur foyer et à perdre d’importantes ressources naturelles et culturelles. De nombreuses zones protégées sont gérées par des entreprises étrangères ou des ONG telles que WWF et The Nature Conservancy, qui utilisent des mesures de sécurité et de surveillance strictes pour empêcher les populations locales d’y accéder. Cette « militarisation de la conservation » traite les communautés locales comme des menaces plutôt que comme des partenaires dans la protection de l’environnement.

 

La perpétuation de l’épistémicide en Afrique

Non seulement la conservation forteresse ignore les droits des communautés locales à accéder à leurs terres et à les gérer, mais elle contribue également à l’« épistémicide ». Ce terme, introduit par le sociologue portugais Boaventura de Sousa Santos, désigne la destruction systématique ou la marginalisation des systèmes de connaissance locaux. En Afrique, de nombreuses communautés possèdent des connaissances ancestrales et des méthodes traditionnelles de protection de la biodiversité, profondément liées à leurs mythes, tabous, croyances et pratiques culturelles. Par exemple, dans les communautés traditionnelles du Mozambique et du Zimbabwe, le pangolin est considéré comme un animal sacré, protégé par un tabou transmis de génération en génération. Tuer un pangolin entraînerait non seulement la désapprobation de la société, mais aussi la colère des ancêtres qui, selon la croyance, maudiraient l’auteur de l’infraction et sa famille. Les Shona du Zimbabwe expriment cette croyance par le dicton suivant : « Usauraya haka » : « Usauraya haka « – Ne pas tuer un pangolin. Bien que ces traditions ne soient pas qualifiées d’« environnementalisme » au sens occidental du terme, elles servent le même objectif : prévenir la surexploitation et maintenir l’équilibre écologique.

 

Conclusion

La conservation forteresse en Afrique perpétue non seulement l’épistémicide, mais renforce également un paradigme de conservation colonial et excluant. Pour surmonter cette approche, il faut reconnaître la pertinence des pratiques indigènes et inclure les communautés locales en tant qu’acteurs clés dans le processus de préservation de l’environnement.

 

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Delso Armando Vilanculo

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