War memorial in Maputo

Des récits divergents : Le monument de Maputo et la complexité de la mémoire collective

Introduction

Le Mémorial de la guerre, situé à Maputo, au Mozambique, est un monument qui porte deux histoires distinctes, reflétant à la fois un récit officiel et un récit populaire. Alors que l’histoire officielle le considère comme un hommage aux guerriers européens et africains de la Première Guerre mondiale, l’histoire populaire attribue sa création à un événement local héroïque, où une femme (connue localement sous le nom de Nwanhoka) aurait tué un serpent qui terrorisait la communauté. Cet article explore ces deux interprétations, révélant comment un monument peut acquérir des significations multiples en fonction du contexte culturel et de la mémoire collective.

 

L’histoire officielle : honorer les guerriers de la Grande Guerre et symboliser la gloire coloniale

Le monument aux morts a été construit en 1935 dans le cadre des efforts déployés par le gouvernement colonial portugais pour renforcer l’identité impériale au Mozambique. Conçu par le sculpteur Ruy Roque Gameiro et l’architecte Veloso Camelo, le monument a été érigé pour célébrer la participation du Portugal à la Première Guerre mondiale et pour immortaliser les soldats qui ont combattu pour la patrie. La Commission des monuments aux morts, composée d’anciens combattants, a mené l’initiative en s’inspirant du modèle français de vénération des héros de guerre.

 

Les éléments du monument, tels que les quatre plaques commémoratives des batailles de Mecula, Quivambo, Quionga et Mevala, sont des représentations directes de ce récit officiel. Le serpent sculpté symbolise la connaissance scientifique et la protection que les Portugais pensaient avoir apportée à leurs colonies. La figure féminine au sommet représente la patrie portugaise, tenant un bouclier et une épée, symboles des conquêtes du Portugal au fil du temps.

La légende populaire : nwanhoka, l’héroïne locale du porridge chaud

Parallèlement à l’histoire officielle, un récit populaire est apparu parmi les habitants de la région, offrant une autre explication pour le monument aux morts. Selon cette version, le monument a été érigé en l’honneur d’une femme qui a sauvé la communauté d’un serpent mortel. Cette femme, originaire de Katembe, aurait préparé une bouillie chaude et, en traversant la zone où vivait le serpent, aurait réussi à le tuer, protégeant ainsi les habitants. Cette histoire, largement répandue par la tradition orale, présente la femme au sommet du monument comme une héroïne locale, célébrée pour son courage et sa ruse.

 

Cette légende populaire a pu naître dans un contexte de faible alphabétisation et d’accès limité à l’histoire officielle, ce qui a permis de construire un récit alternatif et de le maintenir vivant dans la mémoire collective. Le processus d’appropriation culturelle transforme la mémoire du monument, rendant l’histoire populaire aussi puissante que l’histoire officielle.

 

La dualité du monument et la complexité de la mémoire collective

L’existence de deux récits pour un même monument illustre comment la mémoire collective est susceptible de faire l’objet de différentes interprétations et comment ces interprétations peuvent coexister, façonnant ainsi la perception du public. La légende de la femme qui a tué le serpent, bien qu’elle n’ait pas été prouvée historiquement, trouve un écho important auprès de la population locale, ce qui souligne le pouvoir des récits populaires dans la formation de l’identité culturelle.

 

D’autre part, l’histoire officielle du monument aux morts, qui met l’accent sur les réalisations portugaises, reflète une tentative de perpétuer la domination coloniale par le biais de symboles durables. Cependant, la capacité du récit populaire à rivaliser avec le récit officiel démontre la résistance culturelle et l’importance de la mémoire collective dans les contextes postcoloniaux.

 

Pertinence contemporaine et résistance culturelle

Au fil du temps, le monument aux morts a évolué au-delà de son objectif initial, devenant un symbole de réflexion sur l’héritage colonial du Mozambique. La coexistence des récits officiels et populaires met en évidence la résilience culturelle de la communauté locale, la légende populaire agissant comme une forme de résistance symbolique, permettant aux Mozambicains de se réapproprier et de réinterpréter un symbole colonial dans leur propre contexte culturel.

 

Cette dualité permet non seulement de préserver la mémoire d’un événement local, mais aussi de favoriser un dialogue permanent entre le passé et le présent. Le monument rappelle avec force le rôle de la mémoire collective dans la formation de l’identité nationale, illustrant comment les histoires officielles peuvent être contestées et redéfinies par le peuple, soulignant ainsi la dynamique sociale et culturelle complexe du Mozambique.

 

Conclusion

Le monument aux morts est plus qu’un simple monument ; c’est un symbole de la complexité de la mémoire et des récits culturels au Mozambique. Les deux récits qui lui sont associés, l’officiel et le populaire, révèlent différentes manières de comprendre et d’apprécier le passé. Alors que l’histoire officielle cherche à glorifier les réalisations coloniales, le récit populaire offre une vision locale et héroïque, re-signifiant le monument pour la communauté. Ainsi, le monument aux morts continue d’être un po.

Cossa Daniel Samuel

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