En conversation avec l’acteur Racheal Ofori

Racheal Ofori est une actrice et écrivaine qui a travaillé dans les domaines du théâtre, du film, de la télévision et de la radio. Right for Education s’est entretenu avec Racheal pour parler de sa carrière d’actrice et les pièces qu’elle a écrites: < It’s Everywhere > et < So Many Reasons. > < It’s Everywhere > souligne comment le racisme est partout, tandis que < So Many Reasons > parle de deux générations de femmes, décrivant la relation entre une mère et une fille, et l’idée de la place de Dieu dans cela. C’est l’histoire d’une jeune fille qui cesse d’aimer sa religion.

R:Ed: Qu’est-ce que vous pensez que c’est la fonction du théâtre?

Les humains ont commencé avec les histoires. C’est la raison pour laquelle on prend des photos, on sort: tout le monde veut raconter des histoires à ses petits-enfants. Je ne crois pas qu’on puisse jamais dater la première histoire racontée. Tout ce qui nous concerne est narratif. C’est ça, le théâtre. Il est magique car il est en public. Vous êtes ici avec moi ce soir, et quelque chose pourrait arriver ici qui n’arrivera pas demain. Bien sûr, la télévision et le film sont magiques parce que ce moment-là est éternel, mais je crois que la fonction du théâtre est de raconter et de se délecter des histoires de la vie. Dès qu’on sait parler, on commence à raconter des histoires sur ce qu’on a fait aujourd’hui. Le théâtre est cette expérience de rapprocher les gens et d’apprécier collectivement un moment en public, et ensuite d’en parler, et de raconter des histoires sur l’histoire. C’est puissant.

J’aime le théâtre car il est tellement pur, et on est vraiment nu. J’ai commencé à écrire des spectacles et j’étais la plus nue, sans être nue en réalité, mais sur la scène on peut l’être. J’aime me lancer et dire: « d’accord, on y va, » du moment que je dis la première réplique, parce que les spectacles auxquels je participe n’ont pas d’entracte. J’adore cette étrangeté. Si je me trompe avec une réplique, tant pis, vous ferez un voyage avec moi. J’aime regarder des spectacles car je fais confiance à l’acteur pour m’emmener en voyage C’est en direct et il y a des réactions immédiates. On peut sortir tout de suite, parler aux gens et leur demander ce qu’ils ont pensé du spectacle. J’aime cette connexion immédiate.

R:Ed: Quand est-ce que vous avez voulu être actrice pour la première fois?

J’ai toujours aimé l’idée d’être actrice, mais il ne semblait pas être plausible. J’étais une bonne étudiante sur le plan scolaire, j’étais forte en maths, très forte en littérature anglaise, et je prospérais dans les beaux-arts. J’ai poursuivi la littérature anglaise mais je n’ai pas voulu continuer dans un chemin universitaire ou écrire des dissertations. J’ai étudié une année d’un cours d’art et de design mais je ne me sentais pas à ma place. Tout le monde à l’université voulait être styliste. Je ne le voulais pas.

J’ai pensé: « Je vais être actrice. Je vais juste essayer. » Je suis allée au National Youth Theatre à Londres, et j’ai participé à son programme d’ateliers de deux semaines. J’ai pensé: « Je l’essaierai et je passerai un an à postuler aux écoles d’art dramatiques. » Je n’avais que les moyens pour postuler à trois. Il est arrivé par hasard que j’ai réussi, et je suis ce chemin depuis ce jour-là.

 

R:Ed: À quels problèmes est-ce que vous avez fait face pendant votre carrière?

C’est difficile à dire, « cela est quelque chose à laquelle j’ai fait face à cause de cette raison. » Le monde du spectacle est difficile, point final. J’ai une telle variété d’amis de milieux différents, d’ethnies différentes, de classes sociales différentes. Nous avons tous fait face à des difficultés. Ça fait partie de la compétition. La difficulté est de continuer à trouver de la confiance en soi, de reauditionner pour un rôle, et de faire de son mieux chaque fois. J’ai probablement eu la plus de difficulté à l’école d’art dramatique où les professeurs ont eu du mal à choisir des rôles pour moi et pour deux autres étudiants pas blancs.  Ils ne savaient pas quoi faire de nous. Ils n’avaient pas de scripts appropriés ou ils ne savaient pas comment développer nos voix ou nos interprétations. Mais le théâtre est un secteur difficile point final. C’est dur pour tout le monde de le percer.

R:Ed: Qu’est-ce que vous pensez de la distribution de rôles qui est insensible à la couleur de la peau?

Pour la distribution de rôles qui est insensible à la couleur de la peau, la base va toujours être Shakespeare, ou les pièces très classiques, comme les tragédies grecques. Cela n’a aucun sens pour les pièces modernes. On choisit quelqu’un pour jouer le rôle principal et puis évidemment toutes ses sœurs sont blanches. Je ne sais pas si la distribution de rôles qui est insensible à la couleur de la peau est forcément la voie à suivre. Peut-être dans les écoles d’art dramatiques pour maintenir l’égalité des chances, mais pas dans les grands médias, surtout dans les familles, quand on ne choisit que des acteurs d’origines ethniques diverses juste au nom de la diversité. Si on sait que la famille vient d’une région spécifique du Royaume Uni et que la réalité est que cette région n’est pas diversifiée, je n’aime pas vraiment le regarder. Je préférerais si les sociétés de diffusion et les plateformes des médias donnaient d’espace pour d’ autres histoires. Plutôt que prendre un histoire que nous connaissons déjà, d’une famille clairement de classe moyenne en Grande Bretagne, et la diversifier: « voilà. » Je préférerais qu’on raconte l’histoire d’une communauté asiatique ou qu’on écrit des histoires sur la Grande Bretagne telle qu’elle est: multiculturelle. Il y a des lieux partout à Londres où il y a plus qu’un seul groupe de personnes. Soit on raconte la réalité, soit on ne nous dérange pas. Racontez une variété de réalités, car il existe une variété de réalités.

R:Ed: Est-ce que vous pouvez nous raconter un peu de votre pièce < So Many Reasons ? >

< So Many Reasons > était un spectacle solo. Je me suis donnée un plan. Je voulais écrire sur deux générations de femmes. J’ai utilisé ma mère et moi comme tremplin pour examiner la féminité et Dieu, comment ces deux milieux voient ces deux choses de manières différentes. J’avais écrit un autre spectacle avant, qui n’avait pas nécessairement de narratif linéaire. C’était une compilation de monologues. Le plan était le défi de raconter une histoire et de croire que le public m’accompagnerait et suivrait la narration d’un personnage. C’était amusant. C’est une histoire sur le passage à l’âge adulte d’une jeune fille, Melissa. Elle n’a que huit ans quand on lui est présenté et il y a des moments où elle se rend compte du fait qu’elle est un être sexuel avant de sentir qu’elle l’est. Quand elle a huit ans un homme interagit avec elle dans une certaine façon, et quand elle a dix ans les gens font des suppositions à elle: on l’appelle une lesbienne, car si elle n’était pas lesbienne, elle se comporterait d’une manière plus féminine. Elle a une sœur aînée qui a plus d’autonomie sur sa féminité et sa sexualité. 

 

Il y a une lutte pour le pouvoir entre sa mère, sa sœur, et Dieu, l’homme dans la bible, et ce qu’il veut qu’elle soit. On la voit se développer d’une jeune fille qui fait la course contre les garçons à l’école, à une fille qui a une aventure d’un soir, une fille qui fait son premier maillot brésilien, et plein d’autres choses folles. En fin de compte, c’est une histoire sur la relation entre une mère et sa fille, et où Dieu s’y intègre. Je trouve intéressant à quel point le christianisme est attaché à la culture noire. Je dis < gospel > et les gens pensent immédiatement à des chœurs gospels noirs aux États-Unis. D’une certaine manière c’est assez synonyme. Dans le spectacle, je fais la satire de cela. À mesure qu’une jeune fille cesse d’aimer sa religion, je crois qu’il est puissant voir ce voyage se dérouler.

R:Ed: Quel a été votre rôle préféré?

< Three Sisters > a été très amusant. Udo, qui est Irina dans le texte classique, a fait un vrai voyage. Elle était légère et vive au début, et à la fin elle est devenue terre-à-terre et un peu ruinée, mais elle essaye toujours de garder de l’espoir. J’aime d’histoires qui ont un développement, ou il y a une différence claire entre la personne à laquelle on est présenté au début, et la personne à la fin. Il y a certains personnages amusants auxquels j’ai joué qui avaient de bons mots très forts. J’ai joué un rôle dans un film d’action, et le personnage avait d’énormes armes à feu, une crête folle, et un rouge à lèvres foncé. Mais elle n’avait pas de développement. On lui était présenté comme quelqu’un qui déchire, et on la quittait comme la même. Tandis que Udo dans < Sisters > avait un vrai développement. J’ai aimé ça chaque nuit car il y a avait toujours des options pour développer le personnage.

R:Ed: Est-ce que vous essayez d’entrer dans la tête du personnage avant de commencer à apprendre leur texte?

Non, je fais confiance à l’écriture, et au fait que l’écrivain a une bonne idée de qui cette personne va être. Je fonce, j’examine le langage et j’y m’appuie de cette manière. Au lieu de prendre des décisions sur le personnage, basé sur mes recherches extérieures, je lis le texte: Qu’est-ce qu’il a dit? Qu’est-ce que cela veut dire? Comment il se sent?

Des autres questions comme < Qu’est qui se passe? Quelle est la toile de fond de cette scène? > sont secondaires. Avec le Covid, il y aura beaucoup de pièces et d’histoires écrites sur cette période mais, en fin de compte, les gens sont les gens. Si un personnage est dans les années 60, cela ne signifie pas qu’il va automatiquement se comporter d’une certaine manière. Je fais attention à ce qu’il dit et bien sûr ensuite je pense à la structure dans laquelle il habite et les rôles des sexes, mais ces choses sont secondaires. En fin de compte, la nuance d’un personnage et comment il se sent devrait être dans le texte, et puis on peut le développer à partir de cela.

R:Ed: Est-ce que vous avez pris des cours de danse?

Danser est quelque chose que j’aime faire. Je n’ai pas dépensé d’argent ni passé des années dans une école. De temps à autre j’ai pris un cours ici et là au Studio 68 ou à Pineapple. Mais je danse beaucoup dans ma chambre. Actuellement c’est la chose qui me maintient sain d’esprit.

R:Ed: Est-ce qu’il y a un rôle que vous aimeriez jouer?

Je ne sais pas si je pense en termes de « j’aimerais jouer dans le film biographique de cette personne-là. » Un film biographique est un peu un cauchemar pour moi, car la personne est encore en vie, il n’y a pas de vraie liberté. J’ai envie de jouer des types de personnes. Je veux jouer une femme désagréable. Les hommes peuvent se comporter comme des connards, et on les regarde encore. < Breaking Bad > est le meilleur exemple. Walter White est un méchant à la fin, et on le soutient encore. Je veux jouer le rôle d’une femme qui vraiment s’en fiche et qui n’est pas attachée a son sexe. Même si les œuvres de Phoebe Waller-Bridge et de Michaela Coel sont excellentes, elles sont très sexuelles et brutes. Les hommes n’ont pas l’obligation de faire ça. Tracey Emin et les artistes femmes qui ont des expositions doivent corrompre leurs vies pour être reconnues. Cela s’applique à tous les niveaux. Les femmes doivent être brutes pour se détacher et avoir une connexion immédiate à leur vérité réelle. Avec les rappeurs, les humoristes, les écrivains de TV, beaucoup de leur travail vient de leurs réalités. Cela n’est pas juste. Pourquoi ne peut-on pas écrire d’histoires amusantes pour les femmes? Je veux jouer le rôle d’une femme désagréable qui est amusante et qui n’est pas nécessairement spécifique a ma réalité. La TV ne devrait pas être la thérapie d’un écrivain, qui exorcise leurs démons tout le temps. Les femmes n’auraient pas dû être obligées de faire ça.

R:Ed: Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de votre pièce < It’s Everywhere > ?

Elle s’est enlevée des conversations sur la race, quelque chose qui est partout, car elle est tellement enracinée dans notre histoire, et on n’en est pas conscient. Je ne savais pas que les esclavagistes recevaient des réparations quand leurs esclaves étaient libérés, jusqu’à récemment. Ces choses sont intéressantes, mais si on ne les reconnaît pas, on ne peut pas avancer, donc la pièce s’appelle < It’s Everywhere. > Beaucoup de problèmes aujourd’hui existent parce que la droite pense que la gauche veut réécrire l’histoire, démolir les statues et faire semblant que certains gens n’existaient pas, effaçant l’histoire de leur marché, en disant: « cela est quelque chose de laquelle on doit s’occuper continuellement. » Mais on n’avance pas quand on s’en occupe. On en parle, on y apporte un soutien de façade, et on ne fait rien. Quand j’ai écrit cette pièce, le but était de révéler ça.

C’est partout. C’est dans la manière dont on nous enseigne, c’est dans le fait qu’on a créé un mois pour l’histoire des Noirs, car pendant le reste de l’année les Noirs n’existent pas. L’histoire des Noirs est dans toute l’histoire parce qu’elle est le passé. Ça n’a pas de sens que l’histoire britannique soit séparée. Il y avait de l’émigration avant le trafic d’esclaves. On m’a toujours enseigné qu’il y avait des manières séparées d’enregistrer notre histoire, et elle était racontée à travers les gagnants ; les blancs. Celle-ci a été l’éducation des gens de mon âge, plus vieux, et plus jeunes.  Elle va se manifester dans la façon dont on vit nos vies. Elle ne va que disparaître lorsqu’on dit: « d’accord, qu’est-ce qu’on peut y faire, » au lieu de l’ignorer, le repousser, et voir toutes les bonnes choses que le colonialisme a apporté. Peut-on s’occuper de cela et de la manière dont on s’en éduque? Pendant longtemps, l’éducation sur l’Empire britannique et le colonialisme était positive, et elle ignorait le génocide de masse qui s’est passé, en disant que la Grande Bretagne n’est pas aussi mauvaise que les États-Unis. Oui les États-Unis ont leurs propres problèmes, mais ça ne suffit pas. On ne devrait pas nous applaudir parce qu’on est moins raciste qu’un autre pays.

R:Ed: Est-ce qu’on commence à avoir les bonnes conversations?

Être noir ne signifie pas qu’on est automatiquement opprimé, il y a d’éléments différents, il y a une nuance. On doit reconnaître qui si on vient d’une certaine classe, ou d’une race, il y a des choses différentes qui touchent les opportunités, puis on peut vérifier que cette opportunité est disponible à tout le monde. Les conversations ont commencé à se dérouler d’une façon qu’elles ne l’étaient même pas il y a un an. Les gens parlaient de la diversité il y a des années, mais les mêmes choses se passent encore et encore. Je pense qu’il faut juste attendre.

Le site web de Racheal peut être trouvé ici: https://www.rachealofori.com/about

 

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