Au Nigeria, le conflit entre éleveurs et agriculteurs semble échapper à tout contrôle et prendre une dimension plus profonde. Le problème pourrait s’aggraver sans un cadre politique solide et la détermination du gouvernement. Les points chauds du conflit se concentrent dans le centre-nord, dans des États comme Benue, Nasarawa et Plateau. Les autres États touchés sont Adamawa et Taraba dans le Nord-Est, Ogun et Oyo dans le Sud-Ouest, Ondo dans le Sud-Sud, et Enugu et Imo dans le Sud-Est. La tension continue de s’étendre à d’autres régions. Dans le Plateau, par exemple, l’impasse renouvelée entre les agriculteurs berom et les éleveurs fulanis dans les villages de Barkin Ladi et Riyom a donné lieu à des affrontements très meurtriers, notamment pendant les saisons d’agriculture et de pâturage.
IMPLICATIONS DES CONFLITS
Entre janvier 2016 et octobre 2018, le conflit a coûté la vie à au moins 3 641 personnes. Des milliers d’agriculteurs ont été contraints d’abandonner leurs terres agricoles pour rester en vie. Outre les conflits entre éleveurs et agriculteurs, le pays est confronté à d’autres problèmes de sécurité : L’insurrection de Boko Haram dans le Nord-Est et le fléau du banditisme dans le Nord-Ouest. En novembre 2020, les insurgés de Boko Haram auraient massacré au moins 43 riziculteurs. Ces événements ne sont pas de bon augure pour les efforts de la nation visant à éradiquer la pauvreté, la faim, la malnutrition et l’insécurité alimentaire.
Les efforts du gouvernement en matière d’atténuation
Le gouvernement nigérian a tenté de contenir la menace que représentent ces affrontements entre éleveurs et agriculteurs. Parmi plusieurs de ses interventions, on peut citer le projet RUGA introduit en janvier 2019, qui vise à revitaliser les réserves de pâturage dans le cadre du plan national de transformation de l’élevage. Pourtant, l’idée a été largement critiquée comme une tentative d’accaparement des terres. De nombreux détracteurs du RUGA ont proposé que, l’élevage étant une entreprise privée, les éleveurs acquièrent leurs terres et mettent en place un système de ranching. Ces projets n’ont donné que de faibles résultats car de nombreuses communautés ont rejeté leur mise en œuvre.
FAIRE PASSER LES CONFLITS D’UNE SITUATION À SOMME NULLE À UNE SITUATION GAGNANT-GAGNANT
Compte tenu de ce qui précède, on ne saurait trop insister sur l’élaboration de stratégies permettant de rétablir définitivement la normalité. Les spécialistes, forts de leurs années d’expérience de travail avec les agriculteurs et les éleveurs, ont proposé les interventions suivantes comme éléments potentiels de ce qui devrait être une approche à plusieurs volets :
- Promouvoir une agriculture intelligente face au climat
La promotion d’un cycle nutritif durable dans lequel les éleveurs fournissent du fumier animal aux agriculteurs en échange de résidus de culture peut contribuer à la restauration des nutriments du sol. L’un des principaux moteurs de ces conflits est le changement climatique et la dégradation des sols. Il y a dix-neuf (19) états du nord, et sept (7) sont sévèrement affectés par la désertification, tandis que huit (8) sont modérément affectés.
- Conservation et stockage des aliments pour animaux
La dépendance à l’égard des sources d’alimentation saisonnières serait considérablement réduite si les éleveurs apprenaient à conserver les aliments locaux en utilisant l’ensilage et le foin. Cela réduirait encore plus le besoin de migration saisonnière.
- L’utilisation de traceurs d’animaux.
Il existe différents types de traceurs d’animaux que les éleveurs peuvent utiliser pour surveiller efficacement leurs animaux pendant le pâturage. Comme les agriculteurs se plaignent des animaux qui broutent leurs cultures, les éleveurs peuvent, grâce à ces traceurs, empêcher leurs animaux de manger les cultures des agriculteurs.
- Développement d’une base de données pour les propriétaires de bétail au Nigeria.
Le gouvernement devrait créer une base de données contenant les données biométriques des agriculteurs et des propriétaires de bétail au Nigeria. Les agriculteurs et les éleveurs devraient avoir un numéro d’identification unique pour un bon référencement et des politiques basées sur les données.
CONCLUSION
En conclusion, le gouvernement nigérian et toutes les parties prenantes au processus de paix doivent rester cohérents dans la formulation et la mise en œuvre des politiques pour une société plus saine où les agriculteurs et les éleveurs vivent en harmonie tout en poursuivant leurs activités légitimes.